Author Archives: Melody Depond

Regime champignon

Substituer les champignons à la viande pourrait bien être l’une des pistes les plus sérieuses pour lutter contre l’obésité. Les recherches du Dr Lawrence Cheskin plaident pour cela.

 

Le Dr Lawrence Cheskin, directeur du John Hopkins Weight Management Center, à Baltimore (Etats-Unis), a de la suite dans les idées. En 2008, il a conduit une première étude sur les champignons dans les régimes alimentaires. Pendant quinze jours, deux groupes de personnes mangeaient le même plat (des lasagnes ou du chili, par exemple), cuisiné de la même façon, la différence étant que, dans l’un il y avait de la viande, dans l’autre celle-ci était remplacée par des champignons. Les plats de viande affichaient 783 calories en moyenne, les plats à base de champignons seulement 339. D’une semaine sur l’autre, les membres de chaque groupe intervertissaient leur alimentation, passant de la viande aux champignons et réciproquement. Le résultat fut éloquent : les sujets qui mangeaient des champignons consommaient 1 485 calories de moins sur quatre jours que ceux qui se nourrissaient de viande. La conclusion la plus surprenante est là : non seulement les champignons affichent un bilan de calories et de lipides égal à 0, ce que l’on sait depuis longtemps (de même que je vous rappelais leurs vertus pharmacologiques), mais surtout, ni l’appétit du mangeur, ni sa satisfaction à la dégustation, ni son sentiment de satiété ne sont affectées. En résumé, remplacer la viande par les champignons n’apportent aucune frustration, ni physique, ni physiologique, ni psychologique.

 

Le Dr Cheskin a reconduit son expérimentation en 2013, cette fois avec un groupe de 73 personnes et sur une période de un an. Même type de résultat : en mangeant un bol de champignons à la place d’un morceau de viande, les sujets consomment en moyenne 123 calories de moins par jour. Ils ont aussi perdu du poids, du tour de taille, fait baisser leur IMC (indice de masse corporelle) et leur taux de cholestérol. « Quand nous recommandons de substituer un type de nourriture à un autre pour diminuer les calories et aider à contrôler son poids, nous nous demandons rarement si nos patients vont compenser la perte en calorie en mangeant plus ou en mangeant autre chose, explique le Dr Cheskin. En théorie, on peut perdre 50 kg en remplaçant les sodas par des sodas allégés mais, en pratique, cela n’arrive jamais. Nous pensons que remplacer plutôt des nourritures solides par d’autres peut nous permettre d’obtenir de meilleurs résultats. » Et parmi toutes les nourritures solides, ce sont les champignons qu’il a choisis. CQFD.

 

Magda

Le roi Matsutaké

Dans la grande famille des champignons, il en est un qui tient une place à part. Vénéré par les Japonais, le matsutaké est devenu un mets de choix, presque à l’égal du caviar ou de la truffe.

 

Pour mieux comprendre où pousse le matsutaké, il suffit de faire un peu d’étymologie. En japonais, « matsu » signifie pin et « také » champignon. On trouve aujourd’hui ce champignon des pins plutôt dans le sud de la Chine, mais l’Amérique du nord (Etats-Unis et Canada), les pays nordiques (Suède, Finlande) et même le Mexique, sont des zones de récolte en nette croissance. En revanche, au Japon, les consommateurs en sont tellement friands qu’il a été surexploité jusqu’à quasi extinction. Cela explique aussi le prix exorbitant que peut atteindre le kilo de matsutaké dans l’archipel. On raconte que certains chefs ont dépensé jusqu’à 10 000 $ (environ 8 830 €) pour un kilo. Pour des spécimens issus de la production domestique résiduelle, les tarifs peuvent s’envoler jusqu’à 2 000 $/kg (environ 1 766 €), tandis que sur le marché de l’importation, les prix tournent plutôt autour de 90 $/kg (environ 80 €). Au Japon, cela constitue un cadeau très apprécié, généralement dans une jolie boîte en bois, une façon de vénérer la nature fertile et ses bienfaits.

 

Ce qui plaît chez lui, c’est d’abord sa taille, jusqu’à 25 cm, symbole de majesté, puis la texture de sa chair blanche particulièrement charnue, promesse de festin complet. Le pied est imposant et le chapeau le surmonte en le surpassant à peine en largeur. Une forme phallique qui n’a pas échappé à ceux qui lui prêtent des vertus aphrodisiaques. Mais c’est surtout son odeur qui ravit les amateurs. Terreuse et épicée, elle recèle des parfums de pin, de poivre et la cannelle. Au Japon, il est fréquemment utilisé pour relever en saveurs un simple bol de riz blanc (matsutaké gohan) ou une soupe. « Le visage de tout Japonais à qui j’ai déjà tendu un matsutaké s’illumine toujours de la même façon : comme quelqu’un qui reçoit sa première bicyclette, raconte Constance Green, fondatrice de Wineforest, un fournisseur de champignons pour quelques grands chefs américains. À chaque fois, le regard émerveillé, il prend le champignon avec précaution, le porte jusqu’au nez et respire un grand coup en fermant les yeux. »

 

À vous de tenter l’expérience !

 

Magda

 

 

LE CÈPE DANS TOUS SES ÉTATS

cepes

Il y a la truffe, le plus cher des champignons, le matsutaké, l’un des plus recherchés, notamment par les Japonais, et il y a le cèpe, chouchou sous nos latitudes.

 

Dans notre imaginaire, la forme du cèpe est sans doute celle qui se rapproche le plus de la forme du champignon idéalisé. En coupe, cela donne un gros pied bien ventru qui s’amincit en remontant vers le chapeau qui s’évase en une coupole dodue qui tape dans l’œil. Ce n’est pas un hasard si, chez Régis Marcon (dont je vous ai parlé ici), on est accueilli par deux sculptures de cèpes en bois. Il pousse dans les forêts de conifères ou de feuillus des régions tempérées. C’est le graal du cueilleur hexagonal, celui qui arrache de petits cris extatiques.

 

Le nom cèpe vient du latin « cippus », via l’occitan gascon « cep », qui signifie « tronc », et est apparu pour la première fois dans la 6e édition du Dictionnaire de l’Académie française de 1832-1835. Mais, sans vouloir démythifier la chose, rappelons qu’en fait, le cèpe est avant tout un bolet, ou Boletus comestible (même si le nom « cèpe » désigne ici ou là des variétés non comestibles, tel le cèpe diabolique ou bolet de satan). De plus, il existe différentes sortes de cèpes, du plus charnu et clair, le cèpe de Bordeaux (Boletus edulis), au plus svelte et sombre, le cèpe bronzé (Boletus aereus), ou tête-de-nègre. Parmi les plus connus, on répertorie aussi le cèpe d’été ou cèpe réticulé (Boletus aestivalis) et le cèpe des pins ou cèpe acajou (Boletus pinophilus). Ces 4 variétés peuvent être commercialisées en France sous le nom de « cèpe ». En revanche, le « foin » (tubes verticaux) présent sous son chapeau en lieu et place des lamelles des autres champignons, est un trait distinctif de tous ses épigones. Les pores jaunâtres à olive et le réseau clair en haut du pied également.

 

Mais si l’on aime le cèpe, c’est pour le mettre dans son assiette (comme le chef Julien Diaz dans la recette qu’il m’a confié). Sa chair blanche renferme des arômes subtils de sous-bois. C’est aussi sa fragilité qui émeut le mangeur. On en prendra donc soin en le conservant (surtout pas dans un sac plastique) quelques jours seulement en bas de son réfrigérateur. L’idéal est de le consommer fraîchement ramassé même s’il se conserve très bien dans l’huile ou desséché au four à température très douce. On peut le déguster cru, avec un peu d’huile d’olive et une pincée de sel, mais aussi en poêlée avec du beurre, relevé ou pas de persillade. Il accompagne idéalement aussi bien le poisson que la viande ou le gibier, mais aussi une simple omelette, des pâtes ou un risotto. En tarte, en tourte ou pour relever un bouillon, le cèpe est décidément un compagnon idéal. Bon appétit !

 

Magda

Le plastique c’est fantastique !

Le champignon est le roi de la nature sauvage mais il intéresse aussi les designers et les geeks. Deux Autrichiennes ont ainsi imaginé une ferme futuriste et vertueuse, le Fungi Mutarium.
 
FungiMutarium1_credit_KatharinaUnger_JuliaKaisinger

Outre ses qualités gustatives, nous avons déjà vu ensemble les vertus potentielles du champignon, certains le considérant même comme le futur sauveur de l’humanité, notamment grâce à ses pouvoirs de décomposition de la matière organique. En attendant, deux designers autrichiennes, Julia Kaisinger et Katharina Unger, ont imaginé un prototype qui allie dégustation et recyclage. En collaboration avec des scientifiques du département de microbiologie de l’Université d’Utrecht, aux Pays-Bas, les deux jeunes femmes ont créé le Fungi Mutarium, un drôle de meuble sur quatre pieds, que l’on imagine davantage dans un vaisseau spatial que sur Terre. Il est composé d’une nurserie à mycélium et d’une mini ferme à champignons sous un dôme transparent.
FungiMutarium2_credit_KatharinaUnger_JuliaKaisinger

Pour faire pousser les champignons, ni terre ni eau, juste un milieu de culture en forme d’œuf, composé d’agar-agar, de sucre et d’amidon, à l’instar des milieux agar utilisés en laboratoire (dont la base est constituée d’agar-agar, d’eau et de minéraux). Dans ces petits nids douillets, on dépose du plastique préalablement stérilisé sous une lampe UV (un compartiment spécial est prévu à cet effet sous le dôme), puis quelques gouttes de mycélium. Et on attend. Et on attend. Il faut en effet être patient, l’opération de décomposition du plastique qui permettra l’inflorescence du champignon en forme de chapeau conique renversé, peut prendre plusieurs semaines. La prochaine phase de recherches doit d’ailleurs s’attacher à accélérer le processus en jouant sur plusieurs variables, la température et l’humidité, par exemple. Mais, d’ores et déjà, malgré l’aspect futuriste et peu engageant de la chose, les champignons obtenus dans cet environnement sont évidemment parfaitement comestibles. Pour en savoir un peu plus, je vous recommande cette vidéo : Fungi Mutarium : Prototype.
 
Recycler des matières tel que le plastique, hautement polluant, pour se mitonner des petits plats gourmands, voilà un avenir qui sent bon la fricassée des sous-bois.
 
Magda